L’année 2024 semble déjà s’annoncer comme une période particulièrement difficile pour les grandes entreprises technologiques de l’Union européenne. Les prochains mois pourraient se transformer en un véritable hiver de mécontentement alors que l’UE déploie un arsenal juridique renforcé pour contraindre les géants du web à se conformer à ses règles strictes.
Depuis août 2023, les plus grandes plateformes numériques au monde sont soumises aux régulations technologiques les plus rigoureuses jamais imposées par l’UE, qui montre une détermination sans faille à les faire respecter.
Bruxelles a remporté une victoire significative en obligeant TikTok à retirer définitivement une fonctionnalité « addictive » d’une de ses applications en Europe, marquant ainsi l’application de la loi sur les services numériques (DSA), un an après l’entrée en vigueur des règles de modération de contenu.
Cette action s’inscrit dans une série de décisions prises cet été, où l’UE a ciblé des géants comme Apple, Meta et Microsoft. Et ce n’est que le début : d’autres mesures sont attendues d’ici la fin de 2024, selon des responsables.
Ces initiatives de l’UE découlent de deux lois majeures : la DSA, qui impose aux entreprises un contrôle rigoureux du contenu en ligne, et le Digital Markets Act (DMA), une législation complémentaire en matière de concurrence qui encadre strictement les activités des grandes entreprises technologiques.
Depuis l’entrée en vigueur du DMA en mars, l’UE a notamment contraint Apple à revoir sa position dans son litige avec Epic Games, créateur de Fortnite, concernant l’App Store. Stéphanie Yon-Courtin, législatrice européenne spécialisée dans les questions numériques, a salué l’efficacité de la Commission européenne qui applique le DMA avec des ressources limitées et dans des délais courts, contrairement aux affaires de concurrence qui traînent souvent en longueur.
Selon Jan Penfrat, conseiller principal chez EDRi, un groupe de défense des droits numériques, des changements sont déjà visibles : le DSA confère aux utilisateurs le droit de contester la suppression de contenu ou la suspension de comptes, tandis que le DMA leur permet de choisir librement leurs navigateurs et moteurs de recherche.
Penfrat souligne que l’EDRi et d’autres groupes ont dressé en juillet une liste de points où Apple ne respecte pas le DMA, s’attendant à ce que la Commission européenne agisse en conséquence.
Des tests médiatisés
Apple, principal opposant au DMA, soutient que cette législation met en péril la sécurité des utilisateurs. En juin, l’entreprise est devenue la première à être formellement accusée de violer les règles du DMA et risque des amendes conséquentes si elle ne se conforme pas.
Le 8 août, Apple a annoncé des modifications de l’App Store pour se conformer au DMA, bien que des groupes comme la Coalition for App Fairness aient jugé ces changements « déroutants ». L’UE examine actuellement ces propositions.
Il est encore trop tôt pour savoir si Apple se pliera aux exigences de l’UE, mais une chose est certaine : Bruxelles est déterminée à poursuivre son action.
Un autre test crucial pour l’UE sera X (anciennement Twitter), avec une décision attendue dès septembre pour déterminer si la plateforme doit se conformer au DMA. Les règles du DSA, conçues pour lutter contre la désinformation et les discours de haine, ont déjà provoqué un conflit avec Elon Musk, propriétaire de X, sous la menace d’amendes ou d’une interdiction pure et simple en cas de violations persistantes.
Une pression croissante
Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, a affirmé que Bruxelles fonctionne « à plein régime » pour réduire la durée des enquêtes de concurrence à un maximum de 12 mois dans le cadre du DMA. Cependant, les entreprises peuvent contester les décisions, ce qui pourrait entraîner des années de batailles juridiques.
Les difficultés ne viennent pas uniquement des entreprises technologiques : en juin, Apple a retardé le lancement de nouvelles fonctionnalités d’IA en Europe, invoquant des « incertitudes réglementaires ». Penfrat accuse Apple de jouer sur les peurs pour influencer la Commission.
Malgré les critiques, l’UE ne ralentit pas. En plus des nouvelles restrictions potentielles du DMA sur X, l’UE pourrait bientôt ajouter Telegram à sa liste de « très grandes » plateformes, soumises aux règles strictes du DSA.
Bruxelles n’a pas l’intention de laisser le moindre recoin du paysage numérique inexploré, y compris le domaine stratégique de l’intelligence artificielle. L’UE examine actuellement les accords entre géants de la tech et développeurs d’IA générative, tels que Microsoft et OpenAI, créateur de ChatGPT.