Nous n’avons jamais compris comment fonctionne la faim. Cela pourrait être sur le point de changer.

« Bien sûr, nous avons réussi à faire dire au cerveau ‘Va manger' », dit-il. «Mais ce n’est pas vraiment une explication. Comment ça se passe en fait travail? »

Pour répondre à cette question, Lowell s’est associé à Mark Andermann, un neuroscientifique qui étudie comment la motivation façonne la perception (et qui occupe également le bureau à côté du sien au Beth Israel Deaconess Medical Center de Boston). Ensemble, ils suivent des parties connues des circuits neuronaux de la faim dans des parties inexplorées du cerveau, activant dans certains cas un neurone à la fois pour tracer méthodiquement de nouvelles connexions à travers des zones si primitives que nous les partageons avec des lézards.

Leurs travaux pourraient avoir des implications importantes pour la santé publique. Plus de 1,9 milliard d’adultes dans le monde sont en surpoids et plus de 650 millions sont obèses, une maladie liée à un large éventail de problèmes de santé chroniques, notamment le diabète, la stéatose hépatique, les maladies cardiaques et certains types de cancer. Comprendre les circuits impliqués pourrait apporter un nouvel éclairage sur les facteurs qui ont fait monter en flèche ces chiffres ces dernières années.

Bradford Lowell au laboratoire
Le neuroscientifique Brad Lowell a passé des décennies à essayer de comprendre les circuits cérébraux qui expliquent la faim.

TONY LUONG

Et cela pourrait également aider à résoudre le mystère qui se cache derrière une nouvelle classe de médicaments amaigrissants appelés agonistes du GLP-1. De nombreuses personnes dans le domaine de la santé publique présentent ces médicaments, parmi lesquels Wegovy et Ozempic, comme transformateurs, fournissant la première méthode efficace de lutte contre l’obésité et permettant à certaines personnes de perdre plus de 15 % de leur poids corporel. Ils sont également devenus une sorte de phénomène culturel ; au cours des trois derniers mois de 2022, les prestataires de soins de santé américains ont rédigé plus de 9 millions d’ordonnances pour ces médicaments. Pourtant, personne ne peut expliquer précisément comment et pourquoi ils fonctionnent. Cela s’explique en partie par le fait que les scientifiques n’ont toujours pas décodé la machinerie neuronale complexe impliquée dans le contrôle de l’appétit.

« Les médicaments produisent des effets bénéfiques, des effets de satiété, à travers certains aspects de ce système plus vaste », explique Lowell, qui a observé leur émergence avec surprise et une véritable fascination. « L’un des éléments les plus importants pour comprendre comment ils fonctionnent est de définir ce qu’est le système. Et c’est ce que nous faisons.

Mais l’objectif ultime de Lowell et d’Andermann est bien plus ambitieux que la simple rétro-ingénierie du fonctionnement de la faim. Les scientifiques recherchent le groupe insaisissable de neurones qui permettent à notre besoin instinctif de manger de réquisitionner les structures cérébrales d’ordre supérieur impliquées dans la motivation humaine, la prise de décision, la mémoire, la pensée consciente et l’action. Ils pensent que l’identification de ces neurones permettra d’étudier comment une simple impulsion fondamentale – dans ce cas, un signal provenant du corps indiquant que les réserves d’énergie commencent à s’épuiser et doivent être reconstituées – se propage à travers le cerveau pour dominer notre expérience consciente et se transformer en quelque chose de bien plus complexe : une série d’actions compliquées, souvent bien pensées, conçues pour obtenir de la nourriture.

Cette quête a tellement consumé Lowell ces dernières années que ses étudiants diplômés ont inventé un terme pour désigner l’insaisissable groupe de cellules cérébrales qu’il recherche : les neurones du « Saint Graal ».

Cela peut ressembler à un trope scientifique fatigué. Mais pour le discret Lowell, le terme est parfaitement approprié : ce qu’il recherche touche au cœur même de la volonté humaine. Le découvrir serait l’aboutissement de décennies de travail, et quelque chose qu’il n’aurait jamais imaginé devenir possible de son vivant.

François Zipponi
Je suis François Zipponi, éditorialiste pour le site 10-raisons.fr. J'ai commencé ma carrière de journaliste en 2004, et j'ai travaillé pour plusieurs médias français, dont le Monde et Libération. En 2016, j'ai rejoint 10-raisons.fr, un site innovant proposant des articles sous la forme « 10 raisons de... ». En tant qu'éditorialiste, je me suis engagé à fournir un contenu original et pertinent, abordant des sujets variés tels que la politique, l'économie, les sciences, l'histoire, etc. Je m'efforce de toujours traiter les sujets de façon objective et impartiale. Mes articles sont régulièrement partagés sur les réseaux sociaux et j'interviens dans des conférences et des tables rondes autour des thèmes abordés sur 10-raisons.fr.